Chroniques d'un univers impitoyable

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15-Entretien mortel

samedi 27 mars 2010, par Viviane la Fée


Maja entraîne Alchias dans les ruelles tortueuses de la vieille Cité de Daifen. Il faut avoir l’habitude de se diriger dans ce labyrinthe cosmopolite et sans la jeune fille, il y a longtemps que le jeune homme se serait perdu et qu’il aurait tenté de regagner son auberge.
La nuit est vite tombée et des nuages s’amusent à cacher la lune, rendant leur périple un peu effrayant par moment, pourtant Maja avance vite et sans un mot. Elle a revêtu une tenue sombre, un pantalon noir et un pull de la même couleur. Ses cheveux sont ramenés en arrière et retenus par un ruban rouge écarlate, ce qui permet au jeune homme de la suivre sans trop de mal. Lui ne s’est pas changé, il a toujours sa veste blanche assez large et il donne l’impression de flotter dans son pantalon écru. Pourtant il a chaussé de longues bottes en cuir noir et il avance souplement, sans se soucier le moins du monde de savoir sur quels immondices il pose les pieds. Un chapeau aux larges bords dissimule une grande partie de son visage, seuls ses yeux bleus pailletés d’or scintillent lorsqu’un rayon de lune parvient à les éclairer fugitivement.
Soudain Maja s’arrête, indécise. Devant elle, la ruelle se scinde en deux branches presque identiques. Elle hésite, puis s’embarque à droite, tirant Alchias dans son sillage. Ils font encore une dizaine de mètres puis s’arrêtent de nouveau : devant eux la rue est barrée par une maison qui la transforme en cul de sac. La jeune fille se retourne vers Alchias et murmure :
- Voilà, c’est là. Suivez-moi !
Sans hésiter, elle frappe à la porte. Un long silence succède au léger bruit qu’elle a fait en lui parlant puis un grognement retentit derrière le ventail. Maja ouvre la porte et pénètre dans la demeure, suivie de près par Alchias. La maison est constituée d’une grande salle meublée d’une table derrière laquelle se tient un vieille femme, avachie sur un verre d’alcool, une bouteille à moitié vide à côté d’elle. Sur une malle dort un chat roulé en boule... Au mur sont accrochés de vieux tableaux représentant des scènes de chasse. On distingue un évier rempli de vaisselle dans le fond de la pièce éclairée par les flammes mouvantes d’un feu qui brûle dans une petite cheminée.. Un tisonnier est posé devant l’âtre et quelques bûches attendent sagement leur tour pour se consummer et donner un peu de chaleur à cet endroit lugubre.
- Cendres, c’est moi, Maja, je t’amène de la compagnie...
La dénommée Cendres pose un oeil distrait sur le couple qui se tient debout devant elle puis se replonge dans la contemplation de son verre. Maja insiste :
- Cendres, ce monsieur veut te parler, tu peux l’aider...
Maja se tourne alors vers Alchias et lui débite d’une voix rapide :
- C’est ma tante, elle a travaillé au palais et elle a fait partie de la Pieuvre Noire, elle sait plein de choses sur l’histoire de Daifen, s’il y ‘en a une qui peut t’aider, c’est sûrement elle, mais il va falloir que tu sois convaincant...
Alchias se fait la remarque que Maja vient de le tutoyer pour la première fois depuis qu’ils se sont rencontrés et que c’est peut être un signe, puis il se tourne vers la vieille dame, saisit un tabouret et s’assoit en face d’elle. Cendres ramène son verre contre sa poitrine comme s’il allait le lui prendre, mais Alchias sourit et dit d’une voix rauque :
- Madame, je cherche des renseignements sur les Elémentaires, pouvez-vous m’aider ?
Le silence retombe, troublé par le crépitement des flammes. Puis Cendres semble se réveiller, elle soulève une paupière et jette un regard rusé vers le jeune homme... D’une voix basse elle dit :
- Et qu’est-ce que tu me donnes en échange, mon Mignon ?
Alchias a un moment d’hésitation, puis il plonge la main dans sa poche et en ressort une bourse pleine de pièces d’or qu’il pose sur la table. Les yeux de Cendres se mettent à briller de convoitise, même Maja retient son souffle, éberluée devant les flancs rebondis de la bourse : elle n’a jamais vu autant de pièces d’or qu’elle semble en contenir... Une main crochue se tend vers la bourse mais Alchias la rafle d’un geste rapide et la fait disparaître dans sa poche :
- Je vous écoute, dit-il à la vieille dame...
Cendres se secoue, semble réfléchir puis se jette à l’eau : elle se penche vers Alchias et lui demande, prête à collaborer depuis qu’elle a vu ce petit trésor qui risque de devenir sa propriété si elle se montre suffisamment convaincante :
- Que veux-tu savoir mon Mignon ?
- Je dois trouver les Elémentaires : où sont-ils ?

Cendres se gratte la joue avec un ongle noir puis toujours penchée en avant, elle dit :
- C’est dangereux ce que tu me demandes là, je risque la prison si ça venait à se savoir, et à mon âge....Bon, les Elémentaires sont emprisonnés dans le Labyrinthe. Personne ne peut entrer dans cet enfer.. Tu n’as aucune chance mon garçon, ils sont terribles...
- Ce Labyrinthe, où est-il ?

Cendres sourit : - Sous tes pieds...
- La porte, il y a bien une porte, où est-elle ??
- Si tu veux entrer là-dedans, il te faut descendre dans les caves du palais impérial mais...

Soudain Cendres s’interrompt : elle tend l’oreille, brusquement aux aguets. Le chat qui dormait sur la malle se lève rapidement et disparaît sous la table. Alchias se lève tandis que Maja se rapproche de lui et que la porte vole en éclats...
En un clin d’oeil la situation échappe à tout contrôle : trois hommes armés pénètrent dans la pièce. Celui qui est en tête jette une hache en direction de Cendres qui n’a pas le temps de réagir : la lame aiguisée lui ouvre le crâne en deux et sa cervelle jaillit, maculant le mur derrière elle. Alchias ne perd pas son temps : il cueille le lanceur de hache emporté dans son élan par un coup de poing bien envoyé en pleine figure qui le stoppe net. Le tueur s’effondre, Maja hurle de terreur, les yeux fixés sur le cadavre de Cendres qui glisse sur le sol. Les deux autres hommes s’écartent l’un de l’autre : ils ont chacun une épée à courte lame dans les mains. Alchias fait un geste brusque du bras et un long couteau à la lame fine et tranchante comme un rasoir se retrouve dans sa main gauche. Il lève le bras d’un mouvement leste et le couteau s’envole droit vers la gorge de l’un des deux hommes : le stylet ne rencontre aucune résistance et s’enfonce dans les chairs tendres du cou, libérant un geyser de sang... Le dernier guerrier, un instant déconcerté, se précipite vers Alchias l’épée levée : d’un geste de bucheron, il abat sa lame vers le jeune homme qui l’évite d’un sursaut désespéré mais il glisse et tombe sur le dos. Avec un sourire démoniaque, le tueur reprend son aplomb, lève de nouveau son épée et s’apprête à l’abattre sur Alchias, allongé à ses pieds. Soudain il arrête son geste et écarquille les yeux : il vient de voir la pointe noire d’un tisonnier sortir de son abdomen. Puis la douleur arrive, insoutenable. Il lâche son épée et tente de retirer cet appendice mortel qui vient de lui pousser dans le dos, en vain : derrière lui Maja appuie de toutes ses forces sur le tisonnier qu’elle a attrapé et qu’elle vient de lui enfoncer dans les reins.
Le dernier tueur s’affale, embroché comme une volaille, mort avant d’avoir touché terre. Le silence retombe sur la masure : la scène n’a duré qu’une poignée de secondes mais quatre corps gisent sur le carreau dans une mare de sang gigantesque.
Alchias se redresse encore sonné. Il attrape Maja dans ses bras et la serre contre lui comme s’il voulait se raccrocher à quelque chose de sensé. Puis il s’écarte et observe la scène d’un oeil critique. Il remarque les uniformes noirs des tueurs et s’avance vers le corps de celui qui a lancé la hache. Il le retourne sur le dos et scrute le col de la veste : aucun doute, ce qu’il voit confirme ses soupçons. Il se détourne du tueur et se penche sur Cendres : la vieille dame a la main crispée sur un pendentif. Alchias desserre les doigts déjà figés et découvre une minuscule clé en or pendue à une chaine autour du coup de Cendres. D’un geste brusque il arrache le bijou, se retourne vers Maja et d’un geste autoritaire entraîne la jeune fille vers la porte après avoir récupéré son stylet dans la gorge du soldat. En un instant ils sont dehors et se fondent dans la nuit noire, laissant derrière eux une scène d’horreur.

Courir le plus vite possible pour échapper à cette horreur : Maja fonce tête baissée, haletante, la gorge en feu, tirant Alchias par la main. Lui se laisse faire, perdu dans le labyrinthe des ruelles tortueuses, encore sous le choc de ce déferlement de violence au cours duquel il a agi comme dans un état second. Au bout d’un moment, l’air froid de la nuit glisse sur son visage et effleure ses joues, le sortant de sa stupeur. Les images de son combat s’estompent dans son esprit en effervescence et il reprend peu à peu le controle de sa respiration.
Soudain ils débouchent dans une rue un peu plus large : Maja s’arrête brusquement et Alchias la percute dans le dos, lui faisant faire un mètre de plus. La jeune femme tente de remettre un peu d’ordre dans sa tenue, elle secoue sa chevelure brune et passe ses mains sur son pantalon puis elle passe son bras sous celui d’Alchias et lui dit d’un ton autoritaire :
- Viens, on y va.
Sans rien dire, Alchias la laisse de nouveau le guider , rassuré par le silence total qui règne dans cette partie là de la Cité endormie.


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